Le co-chercheur universitaire Thierry Rodon travaille avec certaines communautés inuit dans le but d’explorer les questions de gouvernance du Nord, les politiques autochtones, le développement durable, la cogestion des ressources naturelles, l’éducation des autochtones et la démocratie participative.
« À prime abord, les Inuits peuvent sembler s’être propulsés bien au-dessus de la réalité des petites sociétés isolées, qui seraient caractérisées par leur manque de connaissance du monde extérieur et leurs capacités insuffisantes afin de faire face aux complications et aux exigences d’une conscience globale toujours en expansion dans un monde à la fois dangereux et complexe. Nous reconnaissons que cette observation contient une certaine vérité, mais… Cette observation contient également et de façon notoire des idées fausses et elle sous-estime la force inhérente des sociétés inuites originelles. Sur la base de ce que les Inuits ont accompli au cours des deux dernières générations, il apparaît clair que leurs sociétés originelles avaient déjà développé un certain nombre d’attitudes et de pratiques capables de s’adapter avec succès aux défis du nouveau. Leurs approches devraient s’imposer à d’autres puisque tout ce que les Inuits ont accompli à ce jour dans le domaine de la diplomatie, autant interne qu’externe, a été réalisé pacifiquement et sans causer de tort à autrui. »
—Inuit Diplomacy in the Global Era
Changements climatiques et communautés inuit
James Ford
Université McGillLes régions inuit du Canada – y compris la région désignée des Inuvialuit, du Nunavut, du Nunavik et du Nunatsiavut – couvrent 30% de la masse terrestre du Canada. Source : J. Ford, T. Pearce, F. Duerden, C. Furgald, B. Smit.
James Ford, co-chercheur au CICADA, examine les effets du changement climatique et des politiques liées au climat sur les communautés inuit du Canada. Ford a fondé le Groupe de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques basé au département de géographie de l’Université McGill. Les recherches du groupe examinent comment la vulnérabilité au changement climatique, la recherche sur l’adaptation et la planification au sein des populations autochtones se situent au croisement de la science et de la politique. Ford s’intéresse aux nouvelles méthodes proposées pour l’étude et le suivi de l’adaptation aux niveaux autant global que régional. La recherche de Ford examine également les effets des changements climatiques sur la sécurité alimentaire des communautés inuit. Il considère de plus les aspects des changements climatiques qui sont spécifiques au genre et questionne la sécurité alimentaire des femmes. Ford s’intéresse également aux impacts des changements climatiques sur la démographie des Inuits, avec un intérêt particulier pour les concepts de fécondité et de migration.
« Nous identifions les politiques prioritaires pouvant être mises en œuvre à l’intérieur des cadres politiques existants aujourd’hui et nous esquissons les grands principes de l’adaptation qui peuvent être appliqués dans une diversité de contextes. Surtout… les Inuits ne sont pas impuissants face aux changements rapides du climat. Les options d’adaptation existent et elles sont réalisables. Les Inuits ont une capacité d’adaptation considérable, comme le démontrent l’histoire et l’expérience actuelle. Avec le soutien des paliers territoriaux et fédéraux et une action locale afin d’identifier les risques et planifier l’adaptation, quelques-unes des manifestations les plus drastiques du changement climatique peuvent être mitigées. »
—Climate Change Policy Responses for Canada’s Inuit Population: The Importance of and Opportunities for Adaptation
Initiatives de recherche additionnelles
Mario Blaser, collaborateur au CICADA, a mis sur pied « Comprendre le passé pour construire l’avenir », une étude multidisciplinaire de l’histoire des Métis inuits du sud du Labrador se déroulant sur cinq ans. La recherche vise à étudier l’occupation du sud du Labrador par les Inuits en faisant la collecte et l’analyse de données témoignant des interactions entre Inuits et Européens et documentant les changements culturels associés. La recherche mobilise l’archéologie, l’ethnographie, l’étude des archives et la généalogie des familles.
Populations canadiennes d’ours polaires. Source : G. Wenzel.
George Wenzel, collaborateur au CICADA, travaille en partenariat avec les Inuits de Clyde River au Nunavut avec l’objectif d’y examiner la gestion de la faune, de la chasse, la sécurité alimentaire et les pratiques de subsistance. La recherche de Wenzel a mis en lumière l’importance des ours polaires pour les pratiques de chasse de subsistance des communautés inuit, de même qu’elle a pu observer les effets du changement climatique sur la subsistance des Inuits.
« Le problème central de l’adaptation ne consiste pas à déterminer le sort des ours polaires ou des phoques, ni les espèces qui peuvent combler les niches écologiques nouvellement libérées, mais plutôt la façon dont le régime politique mondial en matière d’environnement répondra aux choix écologiques des Inuits. Ce que les Inuits doivent clairement établir, c’est que leur « adaptation de subsistance » ne concerne pas seulement la façon dont on doit maintenir la composante de chasse du système. De manière peut-être encore plus fondamentale, leur adaptation questionne comment on doit soutenir l’économie sociale de ningiqtuq alors que Londres, Genève et Bruxelles prennent des décisions au sujet des ours polaires, des narvals et des caribous et que leurs décisions, quoique bien intentionnées, ne prennent pas en compte leur propre impact culturel. Tout cela pour dire que l’environnement auquel les Inuits doivent s’adapter est un environnement beaucoup plus complexe que celui de leurs ancêtres Thulé. »
—Canadian Inuit subsistence and ecological instability—if the climate changes, must the Inuit?
IsumaTV : Médias numériques autochtones
Gabriela Gamez d’IsumaTV et Katie Sinclair de l’Université McGill étaient présentes à la réunion du CICADA en 2016 pour parler d’IsumaTV, qui selon Mme Sinclair est une « organisation inuit de cinéma, de télévision et de médias numériques basée au Nunavut ». Entre autres, l’organisation offre une plateforme collaborative pour les cinéastes et autres créateurs multimédias autochtones. IsumaTV est ouvert toutefois aux créateurs autochtones du monde entier, favorisant ainsi la communication intercommunautaire.
En raison de l’inégalité frappante entre les provinces canadiennes en matière d’accès aux services Internet, IsumaTV fournit un réseau d’infrastructure qui permet aux communautés à faible vitesse d’accéder rapidement au contenu multimédia du site Web. L’accès aux médias est également grandement facilité grâce au Indigenous Film Network (IFN), qui installe des projecteurs haute définition dans certaines communautés. L’amélioration de l’accès à Internet dans ces communautés présente l’avantage de renforcer la langue et la culture grâce aux nouveaux médias, d’améliorer l’éducation et la formation professionnelle, de créer des emplois et d’encourager le développement économique communautaire.
Un meilleur accès à Internet signifie également une meilleure capacité locale pour surveiller les actions du gouvernement et l’exploitation des ressources naturelles dans le territoire. Ainsi, IsumaTV s’est impliquée dans la promotion des droits autochtones dans le contexte de l’activité minière lorsque le projet de minerai de fer Mary River a été initié par Baffinland dans les environs d’Igloolik, où IsumaTV est basée. Environ 2 000 personnes vivent à Igloolik, dont la plupart parlent l’inuktitut. Bien qu’un processus de consultation communautaire ait eu lieu pour commencer l’activité minière, Mme Sinclair remarque :
« Il y a cette croyance optimiste au Canada que si les entreprises se conforment aux normes juridiques canadiennes, elles respecteront toutes les exigences en matière de droits de la personne. Cependant, cela n’est pas toujours le cas, surtout en ce qui concerne les parties prenantes autochtones. »
La contribution d’IsumaTV à la discussion sur les droits autochtones et l’exploitation minière se fait à travers sa plateforme, qui permet la participation communautaire sous des formes autres que des documents inaccessibles écrits avec une terminologie juridique et scientifique compliquée, que les gouvernements ont tendance à utiliser pour communiquer avec les populations concernées, comme Mme Gamez le souligne.
EN SAVOIR PLUS
Projets associés
Les ontologies, le savoir environnemental et la cogouvernance des Premières Nations canadiennes face aux industries d’extraction à grande échelle
Étude d’impacts environnementaux et impacts sociaux des mines à Eeyou Istchee, au Nunavik et au Nunavut