Sapara

Nation Sapara

Forêt amazonienne, frontière Équateur-Pérou

La nation Sapara de l’Équateur est un peuple autochtone originaire de la forêt amazonienne, à la frontière de l’Équateur et du Pérou. Au début du 20e siècle, les Sapara étaient environ 200 000, s’étendant sur environ 30 000 km². Aujourd’hui, il reste moins de 500 Sapara et seuls quatre d’entre eux, tous âgés de plus de 70 ans, parlent encore la langue sapara avec un certain degré d’aisance. La nation Sapara est reconnue par l’UNESCO comme un « patrimoine culturel immatériel de l’humanité » car leur langue et leur culture sont menacées de disparaître. Grâce à leur sagesse ancestrale, les Sapara ont réussi à développer une langue et une culture très minutieuses pour décrire leur environnement.

Cosmovision sapara : Naku, Kamunguishi et Tsawanu

Pour les Sapara, le monde est une forêt (Naku), un écosystème entièrement composé d’êtres qui communiquent les uns avec les autres, et dont les humains font partie. Au cœur du Naku se trouve un territoire sacré d’une diversité naturelle inégalée que les anciens Sapara ont dénommé Kamunguishi. Bien que les Sapara le défendent de tout leur être, Kamunguishi n’est pas une « réserve » tenue à l’écart des activités humaines et préservée en tant que réserve de ressources. Il s’agit plutôt d’un foyer. Pour les Sapara, même si nous vivons le monde comme s’il était matériel et disparate, composé de choses, d’objets, de ressources et de corps, ce ne sont là que des éléments d’un domaine plus vaste qui unit et anime tous les êtres. Ce tout est appelé tsawanu : l’esprit. C’est dans le monde du tsawanu que les humains peuvent apprendre à suivre la voie du bien vivre (buen vivir).

Le rôle des Sapara dans le monde est de veiller à l’ouverture d’un canal de communication avec l’esprit qui nourrit et conserve le monde, de continuer à apprendre de sa source et de transmettre cette sagesse aux individus et aux communautés du monde entier, afin que nous puissions faire face ensemble à la crise écologique que nous traversons.

Territoire sapara dans l'Amazonie
Territoire sapara dans la forêt amazonienne.

Projets et initiatives pour la survie culturelle

Les Sapara mènent un grand nombre de projets pour protéger leur territoire, préserver la vie de leur culture et encourager une communauté mondiale d’activistes, de chercheurs et de jeunes leaders à redécouvrir leur propre relation à la sagesse vivante de la forêt en leur fournissant des outils et des connaissances qui leur permettront de comprendre et faire face à la crise écologique présente. Parmi ces projets, on trouve :

🏛️ Victoire juridique sur les droits fonciers (2021)

En 2021, les Sapara ont failli perdre 70% de leur territoire : des fraudeurs, avec l’appui de membres du gouvernement, avaient cédé les terres à une compagnie pétrolière chinoise pour lui permettre d’y effectuer des forages. Les Sapara, sous l’impulsion de leur leader spirituel et politique Manari Ushigua, ont pu regagner leurs droits sur ces terres après une bataille légale qui a duré des mois. Eduardo Kohn, professeur au département d’anthropologie de l’Université McGill, a témoigné en leur faveur lors du procès, au titre d’ami de la cour. En lire davantage →

📚 Projet éducatif Shimaka (2020)

En 2020, les Sapara ont lancé l’initiative Shimaka, qui signifie « sagesse vivante » en langue sapara. Il s’agit là d’un projet éducatif qui prépare de jeunes leaders sociaux de par le monde à lutter contre la crise planétaire présente, à travers la transformation du savoir oral complexe des Sapara en une pédagogie et un ensemble d’enseignements au profit des jeunes et des enseignants, aux échelles locale et mondiale.

🌿 Centre Naku pour l’éco-tourisme

Le Centre Naku est un projet d’éco-tourisme fondé et géré par la nation Sapara. Consacré à la protection de la forêt, Naku a été conçu comme une façon de partager, à travers une expérience immersive, la sagesse et les savoirs ancestraux concernant la forêt avec des gens venus du monde entier.

📜 Déclarations internationales

En collaboration avec Eduardo Kohn, professeur au département d’anthropologie de l’Université McGill, la nation Sapara a rédigé et diffusé une série de documents invitant la communauté internationale à rejoindre leur cause, qui nous encourage à redécouvrir des concepts de responsabilité territoriale et d’éducation fondés sur l’écoute du monde vivant. Il s’agit de la Déclaration Kamunguishi et de la Déclaration sur l’éducation.

Recherche-création : activisme sonore

En collaboration avec le département d’anthropologie de l’Université McGill et le réseau Leadership for the Ecozoic, les Sapara partagent leur sagesse bien vivante à travers une recherche militante axée sur le son. Écouter les messages de notre planète en danger, qui parlent d’un effondrement possible – et de l’espoir d’une réparation – est au cœur de cette pratique de divulgation. Deux réalisations majeures dans ce domaine incluent :

🎧 Le Témoin (The Witness Project)
La nation Sapara fait partie d’un mouvement planétaire de communautés, d’activistes et de chercheurs qui travaillent avec le son et l’écoute comme forme d’activisme. En savoir plus ici →

🎵 Écouter à voix haute au Carnegie Hall
Avec l’artiste et musicienne de renommée internationale Claire Chase et Eduardo Kohn, professeur d’anthropologie à McGill, Manari Ushigua, leader politique et spirituel des Sapara, représentera sa communauté au Carnegie Hall lors d’une célébration d’une journée complète de Pauline Oliveros, la compositrice visionnaire connue pour son concept d’écoute profonde (Deep Listening). En savoir plus ici →

Centre Naku
Le Centre Naku pour l’éco-tourisme et la préservation culturelle.

Leaders clés et collaborateurs

Manari Ushigua – Leader politique et spirituel

Manari Ushigua
Manari Ushigua Leader de la nation Sapara

Manari Ushigua est le leader politique et spirituel des Sapara. Il a joué un rôle clé dans le mouvement autochtone équatorien en tant que vice-président de la CONAIE (Organisation nationale autochtone de l’Équateur) de 2013 à 2016, et en tant que président de la Fédération autochtone sapara de 1999 à 2012. Manari a participé à des événements internationaux, comme le Sommet des Nations Unies sur le climat COP21 et l’Examen périodique universel des droits de l’homme de l’ONU, afin de sensibiliser le public à la menace qui pèse sur sa terre natale. En tant que défenseur des droits autochtones, il a réussi à préserver plus de 276 000 hectares de forêt primaire menacée par les industries extractives. Manari est le cofondateur du Centre Naku, créant un nouveau modèle économique en Amazonie fondé sur la préservation de la culture et de la forêt, et il est l’une des forces derrière Shimaka, un projet éducatif créé par la nation Sapara.

« L’un des principaux problèmes de l’humanité est que nous nous sommes convaincus que la forêt n’est qu’une ressource naturelle destinée à aider les humains à mieux vivre. En agissant ainsi, nous manquons de respect à la forêt et nous ignorons en même temps ce que nous sommes. »

—Manari Ushigua, leader politique et spirituel des Sapara

Eduardo Kohn – Partenaire académique

Eduardo Kohn est professeur associé d’anthropologie à l’Université McGill, responsable du Centre stratégique Anthropology for the Ecozoic Network et allié de la nation Sapara de l’Équateur, avec laquelle il a collaboré à de nombreux projets. L’œuvre de toute une vie d’Eduardo se consacre au développement d’un équipement conceptuel – idées, méthodes et théories – pouvant nous préparer à vivre à l’ère d’un changement climatique anthropique sans précédent. Il s’agit essentiellement d’imaginer de meilleures façons de vivre avec le monde vivant, de manière à permettre à ce monde d’orienter notre conduite. Il s’agit, en d’autres termes, de repenser fondamentalement l’anthropologie et « l’humain » afin que nous puissions apprendre à « écologiser » notre éthique. Eduardo a élaboré un cadre de compréhension du monde vivant et de notre connexion avec lui qui s’appuie sur vingt-cinq ans de recherches anthropologiques soutenues et continues avec des peuples autochtones amazoniens vivant dans l’un des écosystèmes les plus diversifiés biologiquement de la planète. Il a établi une alliance de longue durée avec la nation Sapara de l’Équateur.